Et puis, assez naturellement, en feuilletant quelques bouquins et revues, et en furetant sur internet à
la recherche d'idées qui pourraient le rendre un peu moins austère, j'ai assez vite constaté que, sans
avoir opté à l'avance pour un style déterminé, ce que je cochais ou retenais comme pouvant servir cet
objectif datait, la plupart du temps, des années '50. L'époque de ma naissance. Et somme toute, ça
ne me paraissait pas une idée plus mauvaise qu'une autre de donner une coloration évoquant cette
époque à un site consacré à ma musique, celle-ci ayant elle-même un certain nombre de racines
qui remontent à cette période, sans compter ma manière habituelle de travailler, quelque peu rétro
dans la mesure où je pratique peu la MAO et la synthèse de sons, et ai plutôt un penchant pour les
instruments dits – bizarrement – acoustiques.
Je n'ai pas pour autant tenté à tout prix de donner un look résolument fifties à ce site mais, ici et là,
quelques petites touches proviennent indubitablement de cette époque antédiluvienne (lettrage
inspiré des titres de Marabout-Flash, petits dessins d'instruments tâchant de rappeler ceux de
certains animateurs de l'UPA, ménagères de l'ère atomique tirées de publicités pour de la lessive ou
pour le réfrigérateur dernier cri, etc...)
Les choses ayant pris d'elles-mêmes cette tournure, j'ai limité les feuilletages de bouquins à la recherche
d'idées à ce qui se rapportait aux années '50, et j'ai entre autres habilement intrigué pour que ma femme
m'offre pour mon anniversaire l'excellent ouvrage Cartoon Modern d'Amid Amidi, qui est actuellement le
meilleur livre de référence sur l'esthétique des films d'animation de cette époque. Depuis très longtemps,
je suis un fan des dessins animés de l'UPA (United Productions of America) et des animateurs qui s'en
sont inspirés, l'ont inspiré, ou ont participé d'une manière ou d'une autre au grand changement esthétique
qui à eu lieu à cette époque dans le monde de l'animation, comme John Hubley, Tom Oreb, Ernest Pintoff,
Ed Benedict, Ted Parmelee, Ward Kimball, Cliff Roberts, Dolores Cannata, Len Glasser, Sterling
Sturtevant, et bien d'autres.
Comme j'étais de longue date familiarisé avec cet univers, la lecture de ce livre n'a pas été ce qu'on
appelle une immense révélation, mais j'ai tout de même fait beaucoup de petites découvertes et
appris bon nombre de choses que j'ignorais, dont plusieurs ont un lien avec la musique. Animation
et musique me sont toujours apparues comme des disciplines proches (notamment par leur découpage
minutieux du temps), et ont de fait toujours entretenu des liens privilégiés (voir les nombreux films
musicaux des frères Fleischer, les Looney Tunes et les Merry Melodies de la Warner, ou les Silly
Symphonies, et bien sûr Fantasia de Disney, pour prendre quelques exemples parmi les plus
classiques).
Je n'ignorais pas non plus, pour les avoir vus, que quelques-uns des chefs d'oeuvres de
l'esthétique UPA étaient des films dans lesquels la musique avait une part primordiale :
Toot, Whistle, Plunk and Boom, film didactique (mais pas du tout scolaire) sur les instruments de
musique, ou Toot, Toot, Tootsie, qui est une espèce d'opéra-ballet mettant en images la vieille
chanson Frankie and Johnny, etc. Mais j'ai tout de même été frappé par la quantité de films de cette
époque mettant en scène des musiciens en train de jouer, que ce soient des scènes musicales
à l'intérieur de films dont ce n'est pas le thème principal ou des films centrés sur la musique. On
ne peut pas dire que le sujet soit prépondérant, certes, mais il est en tout cas très commun,
comme dans The Magic Fluke (John Hubley, 1949), Fight on for Old (Ernest Pintoff, 1956), The Violonist
(Pintoff, 1959) S-H-H-H (Tex Avery, dont le style s'était rapproché à cette époque de celui de l'UPA,
après qu'il ait quitté la MGM, 1955), Pizzicato Pussycat (Fritz Freleng, lui aussi dans une période très
"Cartoon Modern", 1955), Three Little Bops (également Freleng, 1957), etc.
Et puis autre surprise : les photos d'animateurs qui illustrent l'ouvrage d'Amani montrent plusieurs
d'entre eux en train de jouer d'un instrument. On voit ainsi Joe Greenhalgh et Len Glasser à la batterie,
Ward Kimball au trombone et Ernest Pintoff à la trompette. Quelques-uns, au moins, de ces
maîtres de l'animation étaient donc aussi des musiciens amateurs, et apparemment faisaient de la
musique entre eux. Ceci explique sans doute, en partie en tout cas, cela.
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Illustrations : dans l'ordre, la couverture de Cartoon Modern d'Amid Amidi ; Jack and Old Mac (Bill Justice, 1956) ; Toot
Whistle Plunk and Boom (Ward Kimball & August Nichols, 1953) ; Mr Magoo / Hotsy Footsy (William T. Hurtz, 1952) ;
The Violonist (Ernest Pintoff, 1959) ; Ernest Pintoff jouant de la trompette.